LE CHRIST ROI DE L’UNIVERS, PRESENT DANS L’EUCHARISTIE
Homélie prononcée lors de la Messe Pontificale de conclusion du XXIème Colloque National des Juristes Catholiques de France, Paris, Basilique Sainte Clotilde, 20 novembre 2005.
Le Christ Roi de l’Univers.
Aujourd’hui, dernier dimanche de l’année liturgique (année A), nous célébrons la solennité du Christ, Roi de l’Univers. Il est « l’Alpha et l’Oméga » de tout, comme le chante le verset d’acclamation de l’Evangile.
Il s’agit cependant d’un roi très différent de l’idée que nous avons du roi. La préface de cette Messe, qui sera proclamée tout à l’heure, présente son règne comme un « règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix ». La première lecture, tirée du livre du prophète Ezéchiel (Ez 34, 11-12.15-17), et le psaume responsorial voient en lui un pasteur qui cherche la brebis perdue, panse celle qui est blessée, guérit celle qui est malade, un pasteur qui paît avec justice. Dans l’Evangile, (Mt 25,31-46), ce Roi s’identifie avec toute personne dans le besoin, avec celui qui a faim ou soif, avec l’étranger, avec celui qui est sans vêtement, avec le malade et le prisonnier. Il se présente comme le juge final de toutes les nations, mais l’unique critère du jugement est l’amour, la charité.
Cependant, le plus admirable est exposé par saint Paul dans la seconde lecture (1 Cor 15,20-26.28). Le christ est celui qui a conquis le titre de roi par le plus grand acte d’amour, par sa mort et sa résurrection ; mort et résurrection pour nous, pour notre salut. Bien plus, il veut que nous participions tous à son triomphe. Il n’est pas l’unique ressuscité, mais le premier ressuscité.
Le Roi de l’univers présent dans l’Eucharistie.
La vérité de notre foi encore plus belle est que ce merveilleux Roi – dans son acte d’amour, dans son sacrifice de la croix – est demeuré présent et agissant parmi nous dans l’Eucharistie que nous sommes en train de célébrer.
Pour cette raison, l’Eglise veut que l’Eucharistie soit le centre de toute notre vie chrétienne. Pour cette raison, l’Eglise unit tout à l’Eucharistie : toutes les fêtes, et pas seulement celles du Seigneur, mais aussi les fêtes de la Madone et des Saints, toutes les célébrations, commémorations, anniversaires, congrès. Tout ! Rien ne se passe dans l’Eglise sans l’Eucharistie. Ainsi, aujourd’hui, les Juristes Catholiques participent à cette Sainte Messe, concluant de cette façon leur XXIe Colloque National.
En citant le Concile Vatican II, le Catéchisme de l’Eglise catholique nous rappelle : « L’Eucharistie est source et sommet de toute la vie chrétienne. Les autres sacrements ainsi que tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques sont tous liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle » (n.1324).
Oui, l’Eucharistie est source et, en même temps, sommet, point culminant de tout le culte, de toute la vie chrétienne, de tout l’apostolat. Elle doit être aussi la source et le sommet de la vie et de l’apostolat de la Confédération des Juristes Catholiques et de chacun d’entre nous.
L’Eucharistie « source et sommet de toute la vie chrétienne »
Pour mieux comprendre que l’Eucharistie est source et sommet de toute la vie chrétienne et de tout l’apostolat, nous devons surtout réfléchir sur deux aspects de l’Eucharistie.
a. L’Eucharistie n’est pas mémoire au sens de souvenir d’un événement du passé, mais, quand nous célébrons l’Eucharistie, les deux mille ans qui nous séparent de la passion et de la mort du Christ sont effacés ; cette passion et cette mort sur la croix – comme je l’ai déjà indiqué – deviennent réellement présentes et efficacement agissantes parmi nous. Le Christ devient réellement présent avec toute la puissance de son amour rédempteur. En célébrant l’Eucharistie, nous nous mettons d’une certaine manière sous la croix de Jésus- réellement présent et agissant – pour puiser à cette croix les fruits de la rédemption : lumière, force, pardon, grâce, salut.
De cette manière, l’Eucharistie devient nourriture, elle devient réellement pain de notre vie spirituelle. Comme l’aliment matériel soutient notre vie physique, de même l’Eucharistie renouvelle et transforme notre vie spirituelle. Jésus a dit expressément : « Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson »(Jn 6,55).
Pour cette raison, nous célébrons l’Eucharistie sur un autel en forme de table, vers lequel nous venons pour nous nourrir, pour avoir la force d’accomplir chacun notre mission dans l’Eglise et dans le monde.
b. Pourtant, il s’agit là seulement d’un aspect de l’Eucharistie. Il y en a aussi un autre, très important, que nous oublions souvent et dont nous parlons certainement trop peu. C’est pourquoi, je voudrais le souligner fortement : comme l’Eucharistie est nourriture de notre vie chrétienne de chaque jour, ainsi – d’autre part – toute notre vie chrétienne doit être une préparation à participer pleinement à l’Eucharistie, elle doit être orientée vers l’Eucharistie. De quelle manière ?
Jésus, qui est mort pour nous sur la croix et devient présent dans sa mort rédemptrice pendant la célébration de l’Eucharistie, nous invite à participer à sa croix ; il exhorte chacun de nous à prendre sa propre croix. Il l’a dit clairement : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive » (Mt 16,24 ; Mc8,34 ; Lc9,23) ; « Quiconque ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut être mon disciple » (Lc 14,27), ou même, « n’est pas digne de moi » (Mt 10,38). Pouvons-nous ne pas entendre ces paroles de Jésus quand nous célébrons l’Eucharistie ? quand il est présent au milieu de nous avec sa croix rédemptrice ?
Evidemment, il ne s’agit pas ici de devoir faire des mortifications ou des pénitences déraisonnables. Il s’agit surtout d’être disposés à n’importe quel sacrifice, à n’importe quel labeur, à n’importe quel effort pour réaliser la volonté de Dieu, pour vaincre le péché et pour vivre en personnes rachetées par l’amour du Christ.
Quand tu n’as pas envie de prier, alors c’est le moment de prendre la croix ; quand il t’est difficile de pardonner, alors c’est le moment de prendre la croix ; quand une tentation te tourmente, alors c’est le moment de prendre la croix ; quand ton devoir te semble trop difficile, alors c’est le moment de prendre la croix ; quand il faut prendre une position claire, en chrétien, dans une situation difficile, alors c’est le moment de prendre la croix ; quand il faut renoncer à quelque chose, à cause de sa foi, alors c’est le moment de prendre la croix. Chaque jour, nous avons tant d’occasions de prendre volontairement la croix par amour du Christ.
Et quand nous prenons volontairement notre croix, pour l’unir à la croix du Christ dans l’Eucharistie, alors quelque chose de grand s’accomplit : nous complétons dans notre propre chair – pour utiliser les mots de saint Paul (Col 1,24) – ce qui manque aux souffrances du Christ pour notre salut (c’est seulement la croix de Jésus qui nous sauve, cependant pour que cette croix du Christ puisse nous sauver, il faut la contribution de notre croix) ; alors , au vin de la croix de Jésus nous ajoutons une goutte d’eau de notre croix (comme le prêtre le fait symboliquement pendant la sainte Messe) ; à l’immense amour du Christ crucifié, nous unissons notre amour.
c. Voilà justement la pleine participation à l’Eucharistie, quand, d’une part, nous puisons à la croix du Christ, présent au milieu de nous, la grâce, le pardon et la nourriture de notre vie chrétienne, et, d’autre part, nous portons notre croix, expression de notre amour, pour l’unir à celle du Christ.
C’est alors que l’Eucharistie devient le centre de notre vie chrétienne, elle devient source et sommet (d’une part source et de l’autre sommet) de tout notre culte et toute la vie chrétienne, de tout notre apostolat. C’est alors que la célébration de l’Eucharistie ne pourra pas demeurer sans fruits dans notre vie chrétienne.
Marie et l’Eucharistie
Dans une semaine, ce sera le début de l’Avent et l’un des grands personnages de l’Avent est la Madone. C’est pourquoi, je voudrais faire remarquer, dans la perspective de ce j’ai dit, que Marie se présente comme celle qui a le mieux participé à la croix de Jésus. Elle est donc un symbole, elle est l’exemple de notre participation à l’Eucharistie.
D’une part, elle a été enrichie d’une façon toute particulière des fruits de la croix rédemptrice de Jésus : de fait, en prévision de la passion et de la mort salvifique de Jésus sur la croix, elle est née sans le péché originel, immaculée, pleine de grâce depuis le premier instant, et elle est restée telle toute sa vie.
D’autre part, Marie a participé intensément aux souffrance de Jésus, et cela pas seulement quand, au comble de la douleur, elle se tenait debout aux pieds de la croix. Elle a participé aux souffrances de Jésus jusqu’au point d’être parfois considérée comme Corrédemptrice.
En conséquence, il n’y a pas de célébration de la Sainte Messe sans que l’on mentionne Marie.
Conclusion
Dans cette significative célébration eucharistique, je vous souhaite – et je prie pour cela le Seigneur – que l’Eucharistie devienne toujours davantage « source et sommet » de la vie, de l’activité et de l’apostolat de la Confédération des Juristes Catholiques de France afin que puissent grandir leur dynamisme et leur ardeur pour raffermir la culture chrétienne et pour former d’authentiques promoteurs de la paix et du vrai bien de l’humanité.
Je prie le Seigneur pour que l’Eucharistie devienne toujours plus « source et sommet » de la vie et de l’apostolat de chacun d’entre vous, qui êtes présents ici aujourd’hui.
Que Marie vous aide à vivre pleinement l’Eucharistie !
Zénon Cardinal Grocholewski